La libéralisation des engrais, une clé pour révolutionner l’agripreneuriat au Burundi

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La libéralisation des engrais, une clé pour révolutionner l’agripreneuriat au Burundi

Une bonne production agricole repose sur un accès facile des agripreneurs aux engrais, tant en quantité qu’en qualité. Alors que les premières pluies de février qui commencent à pleuvoir au Burundi, annoncent le début de la saison culturale B, les agripreneurs font face à un défi de taille : l’accès tardif et limité aux engrais. Cette situation, qui freine la productivité agricole et menace la sécurité alimentaire, pousse le Centre for Development and Enterprises Great Lakes (CDE Great Lakes) à plaider pour la libéralisation du secteur des intrants agricoles.

Entre 2012 et 2017, le volume des engrais minéraux utilisés au Burundi est passé de 7 000 à 50 000 tonnes. Depuis 2015, les importations ont même été multipliées par cinq, atteignant 140 000 tonnes en 2023. Ces chiffres impressionnants cachent cependant une réalité moins reluisante : les engrais arrivent souvent trop tard pour être utilisés efficacement par rapport au commencement de la saison culturale.

En cause, un système centralisé où l’État, via une entreprise semi-publique, détient le monopole de l’importation, de la transformation et de la commercialisation des engrais chimiques. Le commerce des engrais chimiques par des commerçants est interdit au Burundi. Même son importation sans l’autorisation du ministère de l’Agriculture est prohibée. Tous les types d’engrais chimiques sont importés par l’Etat via cette entreprise semi-étatique. Pour avoir accès à cet engrais, les agripreneurs doivent payer à l’avance via les bureaux communaux, parfois trois mois avant la saison culturale, sans garantie de recevoir les intrants à temps.

Face cachée de l’iceberg

Les retards dans l’accès aux engrais ne sont pas sans conséquences. Placide Ndikumwenayo, un cultivateur de la province de Mwaro, témoigne : « J’ai cultivé sans engrais lors de la dernière saison culturale A, car il y a eu une pénurie alors que j’avais payé à l’avance. Comme la terre est déjà sensibilisé à l’engrais, ma production de maïs a été très faible ». Anne Hakizimana, une agricultrice de Bugarama, ajoute : « Je cultive des légumes toute l’année, mais l’engrais n’est distribué que deux fois par an et en petite quantité. Le reste du temps, je suis livrée à moi-même car, comme je cultive quatre fois par an, je manque où s’approvisionner en engrais le restant de l’année ».

Ces témoignages illustrent les défis auxquels font face les agris preneurs, dont les données montrent que 93 % ne parviennent pas à couvrir leurs besoins domestiques au-delà de six mois, tandis que 63,2 % ne produisent que de quoi subvenir à leurs besoins pendant trois mois au plus. Ces mêmes données corroborent ces témoignages, où parmi les problèmes auxquels les agripreneurs Burundais sont confrontés pour obtenir de bonnes récoltes, figurent en premier lieu la non-disponibilité des intrants agricoles de qualité (54,9 %), les coûts élevés des intrants agricoles dont les engrais en raison des monopoles (47,4 %), et le faible accès pour acquérir ces intrants agricoles (31,5 %).

Source : AGVSAN 2023

Et si l’accès aux intrants agricoles était libéralisé ?

Aujourd’hui, les subventions gouvernementales dans la disponibilité de l’engrais permettent de maintenir des prix bas, mais cette politique n’est pas viable à long terme. Comme le pays ne pourra pas subventionner les engrais chimiques indéfiniment, libéraliser l’accès aux intrants agricoles comme l’engrais est plus qu’une nécessité, tout en acceptant la libre-concurrence et le libre-marché pour que le cultivateur et l’agripreneur puisse avoir l’engrais au temps voulu, la quantité voulue autant de fois qu’il veut et avoir le choix du meilleur engrais sur le marché.

La libéralisation des engrais n’est pas seulement une question d’efficacité économique. C’est aussi une nécessité pour transformer l’agripreneuriat burundais en un moteur de prospérité. En permettant aux cultivateurs d’accéder librement aux intrants agricoles, le Burundi pourrait stimuler sa production agricole, renforcer sa sécurité alimentaire et créer des opportunités économiques durables. Pour y parvenir, il est essentiel d’ouvrir le marché aux acteurs privés, de supprimer les monopoles et d’encourager la libre concurrence. C’est à cette condition que l’agriculture burundaise pourra enfin réaliser son plein potentiel et contribuer au développement du pays.

Source de l’article : Centre for Development and Enterprises Great Lakes.

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