Albert Nyandwi, de la rue à l’université
Lorsqu’Albert Nyandwi a connu la rue, il pense qu’il avait 5 ans. De père inconnu, Albert perd sa mère très tôt. Il sera élevé respectivement par sa tante maternelle, puis son grand père. A la mort de ce dernier, Albert est obligé de vivre, lui et ses deux frères dans la rue. Accueilli par l’Association des Mères Inamahoro après plus ou moins 4 ans d’errance, Albert vient de terminer ses études universitaires en Histoire.
Dans l’enfer des rues
Un nouveau jour se lève à Kayanza. Pour Albert et ses copains, une nouvelle journée d’incertitudes. Alors que la ville commence à s’activer, les jeunes se regroupent pour mieux se défendre. La rue est pour eux une jungle et le danger ne vient pas toujours de là où l’on croit.
« Je me souviens encore du jour où nous avons été séquestrés, battus et humiliés par des militaires et forcés d’effectuer des travaux pour eux », dit-il.
La rue est leur seul monde. Ils étaient à 53, tous des laissés-pour-compte d’une société qui préférait les ignorer, d’après Eugénie Nduwimana, Présidente de l’Association des Mères Inamahoro.
« Les enfants avaient des histoires variées. Ils y étaient poussés par la misère, le décès d’un parent, la maltraitance, une grossesse hors mariage, etc… », se rappelle-t-elle.
Les nouveaux maîtres de la rue sont soudés en vue de faire face aux agressions du monde des adultes. Ils vivent de petits boulots et de mendicité dans un univers de violence et de drogue.
Fuyant tout regard, la voix à peine audible, Albert se rappelle, comme si c’était hier, ses quatre années de calvaire dans les rues de Kayanza.
« J’ai dû m’adonner à la mendicité pour avoir ma pitance quotidienne, prendre mes bains en plein air et même dormir dans des maisons inachevées ou dans un caniveau » confie-t-il avant de fondre en larmes.
Niyonkuru Vianney, le vrai faux père
Albert a perdu certains repères. Il ne connaît ni l’identité de son père, ni son âge exact. Mais quand commence le vrai calvaire d’Albert ? Peut-être en 1998 ou 1999. Il se souvient seulement que c’était en pleine guerre civile. 27 ans, c’est l’âge inscrit dans son dossier officiel.
« Quand j’ai commencé la 7ème année, le titulaire nous a demandé de compléter une fiche sur laquelle on devrait inscrire les noms de nos parents. Comme je ne connaissais pas le nom de mon père, j’ai écrit qu’il s’appelle Niyonkuru Vianney. J’ai gardé ce nom jusqu’aujourd’hui », se souvient encore le jeune homme.
Albert a poursuivi des enquêtes pour connaître ses origines. Son grand père maternel lui aurait dit que son père était originaire de Gitega.
Très récemment, une autre source lui a révélé qu’il serait né au quartier Gituro de la zone Kamenge en Mairie de Bujumbura avant que leur maman ne retourne vivre chez elle à Kayanza.
Albert a continué à explorer cette piste. Il découvre ensuite que son père biologique serait originaire de Muramvya. Un point.
Une scolarité brillante
Difficile à croire mais Albert aurait toujours été un bon apprenant durant toute sa scolarité. Eugénie Nduwimana se souvient encore d’un enfant à la fois turbulent et appliqué en classe.
« J’étais le plus jeune de la bande. Notre chef quand nous étions encore dans la rue est resté toujours chef une fois admis au centre d’accueil de l’association AMI. C’est lui qui m’encourageait à continuer les études », dit-il.
Le spectre de la rue était toujours présent chez le jeune écolier. Albert connaîtra deux abandons, en 3ème et 5ème années. Les enseignants l’ont chaque fois supplié de continuer.
Après quelques mois d’école buissonnière, Albert décroche une bonne note dans un test de dictée lorsqu’il était en 5ème année. Poussé par ce succès, il décide de mettre les bouchées doubles. Ainsi, il vient d’obtenir son diplôme universitaire.
Ecrit par Albéric NDAYIRUKIYE